Archives 2014

Pourquoi est-il si difficile de changer (Jean Cottraux) revue les sciences humaines

Parfois nous connaissons ce qui nous rend malheureux et ne faisons pas ce qui pourrait changer. Pourquoi reproduire sciemment les mêmes erreurs ? Comment en finir avec ce scénario répétitif ?

Pourquoi ne changeons-nous pas, alors que nous sommes conscients des problèmes qui proviennent de la répétition des mêmes comportements ? À force d’écouter des histoires de vie dramatiques, j’ai été amené à m’intéresser à leurs trames et à mettre en relation ces récits avec les scénarios de films représentant des métaphores, ce qui facilite le dialogue en thérapie cognitive. J’en ai tiré un livre, La Répétition des scénarios de vie (1), qui a mis l’accent sur un problème partagé par beaucoup : la répétition et le désir de changement.

Un scénario de vie est une situation piège dans laquelle un sujet se débat, sans succès, et qui se répète en de nombreuses occasions tout au long de la vie. La personne fait sans cesse la même chose, en espérant que les résultats vont être différents. Elle est entraînée dans la spirale descendante de l’insuccès, sans trouver la voie du changement. Ainsi, les femmes qui épousent et réépousent des hommes alcooliques aussi violents que leur père intempérant. Il n’est pas rare, aussi, de rencontrer un homme soumis aux ambitions familiales, qui, après une réussite sociale importante, fait une dépression avec un profond sentiment d’échec et d’imposture.

 

Un rôle distribué une fois pour toutes

Figée dans son personnage, la personne scénarisée va maintenir des relations stéréotypées et insatisfaisantes avec les autres. Surtout si ce rôle a une fonction dans un groupe, ou dans un couple qui met en scène un jeu sans fin. Ainsi la victime du devoir, la femme parfaite, le bouc émissaire, le loser, le battant, le macho, la victime, le violent, le séducteur, le séduit ou la séduite et abandonné(e)…

 

Des intrigues immémoriales

Les exemples, tous les jours, sont devant nos yeux, mais la littérature, l’opéra et le cinéma nous ont légué ces types psychologiques dans des récits répétitifs dont les similitudes sont masquées par le talent des artistes. Le Don Juan de Mozart, avec ses mille et trois conquêtes, représente l’image la plus visible de la répétition masculine. La Madame Bovaryde Gustave Flaubert avec ses rêves inaboutis a eu une longue postérité dans les mélos des années 1950 : en particulier Tout ce que le ciel permet de Douglas Sirk (1955), pastiché récemment, avec talent, par Todd Haynes dans Loin du paradis (2003). Elle est aussi l’ancêtre des Desperate Housewives. Friedrich Nietzsche avait très bien compris sa position centrale dans l’imaginaire collectif, lorsqu’il déclara : « Toutes les héroïnes de Wagner ressemblent à s’y méprendre à Madame Bovary ».

Un jour, le dramaturge italien Carlo Gozzi dit à Johann W. Goethe qu’il n’y avait que trente-six situations dramatiques : ce dernier s’en souviendra, longtemps après, dans ses conversations avec Johann P. Eckermann. Il ajoutera que Friedrich Schiller en avait trouvé moins. Un auteur français, Georges Polti, dans un livre paru en 1924, Les Trente-Six Situations dramatiques, a proposé une typologie de ces situations avec de nombreuses références à la littérature. Ce constat peut s’appliquer au cinéma, comme chacun pourra le voir en étudiant attentivement ses films favoris : la plupart des bons films sont des remakesde scénarios immémoriaux. Ainsi le film culte sur les gangs des rues de New York, Les Guerriers de la nuit (Walter Hill, 1979) n’est que le remake de l’Anabase de Xénophon (environ 401 av. j.-c.).

Au final, les scénarios se ramènent à ceci : la tragédie, qui se termine par un dernier acte sanglant, et la comédie, qui relate une crise dont le dénouement permet à la vie de repartir sur un autre pied. Mais comment expliquer le développement et le maintien des scénarios de vie ? Et, surtout, comment passer de la tragédie à la comédie ?

 

Psychologie des scénarios de vie

Trois concepts peuvent être dégagés de l’écoute des patients.

• Les intrigues des scénarios de vie portent la marque d’un type de personnalité : ce qui explique que le nombre des scénarios de films ou de romans possibles demeure limité, tout comme l’est le nombre des types de personnalité et l’interaction de ces personnalités entre elles.

• Chaque type de personnalité exprime des schémas profonds qui résultent à la fois du tempérament biologique, inné, des événements de la vie et de l’environnement familial et social.

• La répétition automatique du scénario, autrement dit « la machine infernale », nous amène à aborder le problème de l’inconscient sous un angle nouveau.

 

Trois inconscients

Les modèles actuels, issus des sciences cognitives, décrivent l’inconscient comme un ensemble de processus de traitement de l’information qui se déroulent de manière automatique. J’ai proposé de distinguer trois formes d’inconscients. Ces trois inconscients, bien que reliés, ont une origine et des fonctions différentes.

• L’inconscient biologique

Il correspond à l’activité neuronale automatique et au fonctionnement neuroendocrinien. Il sous-tend les processus cognitifs conscients et les émotions. L’action sur ce type d’inconscient peut être aussi bien pharmacologique que psychologique. Je ne développerai pas ce point ici, tout en soulignant que la psychobiologie de l’impulsivité représente une voie importante pour comprendre certains scénarios de vie : en particulier ceux liés aux addictions et à la répétition de la violence.

• L’inconscient environnemental

L’inconscient environnemental est fait de notre éducation, mais aussi des traumatismes graves qui peuvent imprimer leur marque sur la personnalité de chacun. Les mythes et la culture façonnent les individus à leur insu. À cette régulation automatique par l’environnement s’oppose la notion d’autocontrôle et d’autodétermination. Il ne suffit pas d’augmenter la prise de conscience de ses motivations internes pour obtenir un changement, il faut aussi que chaque personne prenne conscience de ce qui de l’extérieur, parfois, la contrôle totalement. La théorie de l’apprentissage social d’Albert Bandura (2) propose de devenir l’ingénieur de son propre comportement. La majorité des psychothérapies a prôné l’insight, ou prise de conscience de ses propres motivations, tandis que la théorie de l’apprentissage social et les thérapies comportementales et cognitives (TCC) ont suggéré de développer l’outsight (3) : la prise de conscience de l’action de l’environnement sur soi, et corrélativement de la possibilité qu’a la personne de le modifier. C’est à partir de ces travaux que s’est développée la thérapie motivationnelle (voir article).

• L’inconscient cognitif

Il correspond à l’ensemble de processus mentaux automatiques. Les modèles actuels accordent une place centrale à la notion de schéma cognitif. On définit le schéma comme une structure imprimée par l’expérience sur l’organisme, et qui va se combiner avec une situation ou une idée pour déterminer comment cette situation ou cette idée doit être perçue et/ou interprétée. Les schémas précoces inadaptés représentent des thèmes importants et envahissants pour l’individu. Ils sont constitués de souvenirs, d’émotions, de pensées et de sensations corporelles. Ils concernent la personne et ses relations avec les autres. Ils peuvent résulter d’expériences traumatiques, ou de carences affectives précoces répétées.

Ils se sont développés au cours de l’enfance ou de l’adolescence et complexifiés tout au long de la vie. Ils sont en relation avec cinq grands domaines de fonctionnement : séparation et rejet, manque d’autonomie et de performance, manque de limites, orientation vers les autres, survigilance et inhibition. Le schéma va se traduire par des stratégies individuelles d’adaptation et un style relationnel particulier. Ainsi le trouble de personnalité s’exprimera dans la répétition d’un scénario de vie. Par exemple, une personne qui se sent inférieure peut soit devenir égocentrique pour compenser (personnalité narcissique), soit se croire persécutée (personnalité paranoïaque), soit chercher la protection d’autrui (personnalité dépendante). Certaines personnes passent rapidement d’un mode de fonctionnement à un autre.

 

Souffrance, séparation : révision du scénario

Les schémas se maintiennent par l’évitement émotionnel et cognitif, mais aussi par la compensation, ou encore par la soumission aveugle à leur contenu. D’autres facteurs peuvent y contribuer : en particulier le renforcement par l’entourage. Par exemple, un homme peut se soumettre aux désirs d’une femme narcissique et adorée : celle-ci n’a donc aucune raison de changer son schéma. Des jeunes gens peuvent être subjugués au point d’imiter un modèle qui a la prestance enviée d’un trouble de personnalité antisociale réussissant dans le gangstérisme. Une femme dépendante peut subir les mauvais traitements d’un homme fantasque et imprévisible, en étant persuadée que c’est de sa faute : ce qui renforce l’homme dans ses comportements de prédateur. Dans ces trois cas, seules la souffrance ou la séparation amèneront à réviser le scénario.

Tous ces processus dysfonctionnels complexes de traitement de l’information émotionnelle commencent à être décryptés par la psychométrie et les neurosciences cognitives.

La thérapie cognitive aide les patients à modifier les interprétations dysfonctionnelles de la réalité, en séparant les faits de leurs interprétations. Elle utilise des méthodes aussi bien cognitives qu’émotionnelles, interpersonnelles ou comportementales pour augmenter les expériences positives. Utilisée avec succès dans la plupart des troubles psychopathologiques, elle s’est attachée ces dix dernières années au traitement des troubles de la personnalité. Plusieurs études contrôlées ont montré son efficacité dans ce cadre. Deux études récentes ont été effectuées pour le trouble borderline, marqué par l’impulsivité, l’instabilité émotionnelle, les fluctuations de l’identité, des épisodes dépressifs et des conflits avec les autres. Une étude contrôlée hollandaise (4), qui a utilisé la thérapie des schémas de Young (5), a montré, à trois ans de suivi, de meilleurs résultats que la thérapie psychanalytique. Une étude contrôlée qui associe les centres hospitaliers universitaires de Lyon et Marseille a montré quant à elle, sur deux ans de suivi, de meilleurs résultats avec la thérapie cognitive, qu’avec la thérapie centrée sur le client de Carl Rogers (6). Nous avions intégré dans la thérapie cognitive une conceptualisation et des techniques qui cherchaient directement à modifier les scénarios de vie. Il est donc possible d’aider le patient à mettre des mots sur l’expérience émotionnelle du schéma et à résoudre autrement les problèmes relationnels, afin de mener une vie digne d’être vécue.

 

NOTES :

(1) Jean Cottraux, La Répétition des scénarios de vie. Demain est une autre histoire, Odile Jacob, 2001.
(2) Albert Bandura, Autoefficacité. Le Sentiment d’efficacité personnelle, De Boeck, 2007.
(3) Michael Mahoney et Carl Thoresen, Self-Control : Power to the person, Brooks/Cole, 1974.
(4) Josephine Giesen-Bloo et al., « An outpatient psychotherapy for borderline personality disorder. Randomized trial of schema-focused therapy vs transference-focused psychotherapy », Archives of General Psychiatry, vol. LXIII, n° 6, 2006.
(5) Jeffrey E. Young, Janet S. Klosko et Marjorie E. Weishaar, La Thérapie des schémas. Approche cognitive des troubles de la personnalité, De Boeck, 2005.
(6) Jean Cottraux, « Cognitive therapy versus rogerian supportive therapy in borderline personality disorder: A two-year follow-up of a controlled pilot study », Psychotherapy and Psychosomatics, 2009.

 

Peut-on tout pardonner

 
Il y a des coups qui font si mal, qu'on en reste profondément blessé. Pas facile d'oublier, mais surtout de pardonner. Une démarche souvent longue qui permet pourtant de retrouver la tranquillité intérieure et d'aller de l'avant.
 
Qui n'a été victime d'une insulte, d'une trahison, d'un mensonge, d'une injustice, d'une humiliation ou d'une agression ? Quelle que soit la gravité des actes qui nous ont touché, la blessure est bien là, souvent très douloureuse. Et tout aussi forte l'envie de se venger, de rendre le mal, de blesser à notre tour celui qui nous a blessé ou même ceux qui ne nous ont rien fait. Après une rupture douloureuse, une fille vit une nouvelle relation. Mais elle ne peut s'empêcher d'agresser son nouvel amoureux. "J'ai l'impression qu'elle me fait payer ce que son ex lui a fait subir", raconte celui-ci. Parfois on ne pense pas à se "venger" réellement, mais on garde un gros ressentiment, une "dent", une agressivité rentrée contre celui ou ceux qui nous ont fait mal. 

Cette envie de vengeance, terriblement humaine, est le premier obstacle à écarter sur le chemin de la guérison. En effet, sans se placer sur le plan moral (est-ce bien ou mal ?), d'un simple point de vue psychologique, l'esprit de vengeance a des effets dévastateurs : 
- cela nous maintient dans le passé et nous empêche d'investir nos énergies dans le présent ou dans la construction de l'avenir ; 
- l'esprit de représailles avive la blessure en la rappelant sans arrêt ; 
- attaquer par vengeance, c'est un peu imiter malgré soi l'agresseur, se laisser contaminer par un venin. On en sort encore plus blessé, et un peu moins soi-même ; 
- utiliser la souffrance de l'autre pour soulager sa propre humiliation entraîne un sentiment de culpabilité. Il peut aussi y avoir la crainte d'une contre-attaque, d'où un état d'anxiété constant ; 
- enfin la vengeance entretient l'hostilité, le ressentiment et la colère, des sentiments qui génèrent du stress et peuvent même aller jusqu'à provoquer chez certains des troubles physiques (migraines, maux de ventre, douleurs, etc.). Si le ressentiment et la vengeance n'apportent pas vraiment d'apaisement, que faire ? Pardonner ? Oui mais par n'importe comment...
 

Pardonner, ce n'est pas nier ou oublier

Peut-on tout pardonner ?
On a souvent de fausses idées du pardon. "Allez, c'est bon, c'est oublié"... "Je préfère ne plus en parler"...Pardonner, ce n'est pas oublier. D'ailleurs, il est quasiment impossible d'oublier un événement qui a provoqué en vous beaucoup d'émotion : de la peur, de la colère, de l'humiliation. 
Ce n'est pas non plus nier la blessure ou l'attaque dont nous avons été l'objet. "Ce n'est pas grave, je ne t'en veux pas"... Parfois on souffre tellement d'avoir été trompé ou humilié par une personne très proche, qu'on préfère minimiser les choses ou lui chercher des excuses. "Elle m'a trompé, mais pour moi, ce n'est pas grave". "... Ces attitudes ressemblent à des pardons, mais ce ne sont pas des pardons. Juste des masques, des cache-misère, des refus de voir la vérité en face. Elles ne peuvent pas apporter d'apaisement profond. 

Pardonner n'est pas non plus renoncer à ses droits. Si vous êtes victime d'agression, d'injustice, il est légitime et important de porter plainte. Ne pas le faire, c'est nier le mal qui vous a été fait, et c'est un peu vous nier vous-même. La justice est un premier pas, nécessaire pour sortir du trouble et commencer à guérir sa blessure. Cela n'a rien à voir avec une vengeance personnelle. Il est inutile également de vouloir pardonner à quelqu'un qui continuerait de vous attaquer. Il faut d'abord faire cesser cette situation ou ces actes : vous ne pouvez pas pardonner à votre chef ses paroles humiliantes si cela se se reproduit chaque jour. Essayez d'abord de vous soustraire à ses sarcasmes : changez de service, de travail, intentez un recours, si vous le pouvez allez lui parler pour qu'il cesse ses réflexions.
 

Exprimer sa souffrance, parler de sa douleur à quelqu'un

Peut-on tout pardonner ?
Non seulement il ne sert à rien de nier sa souffrance, mais il est important d'y repenser. Les psychologues conseillent de laisser remonter les émotions que l'on a ressenties et de ne pas avoir peur de les analyser. Dur, dur... Alexis a été victime d'un copain qui lui avait proposé de placer son argent mais s'est envolé avec toutes ses économies comme un vulgaire escroc. En y repensant, il a l'estomac complètement noué. Il ressent de la colère, de l'amertume et de l'abattement. Il en veut à son prétendu ami de l'avoir trompé bien sûr, mais se rend compte peu à peu qu'il est aussi en colère contre lui-même. Il s'en veut de s'être laissé avoir et ressent même un peu de honte... 

L'idéal pour exprimer toute cette souffrance est de ne pas rester seul mais de trouver une oreille attentive pour être écouté. Un confident, un ami, une personne de confiance, discrète, qui ne va pas vous accabler de conseils ou chercher à tout prix à vous consoler. Parler de sa blessure permet de se sentir moins seul pour la porter. Cela permet aussi de revivre l'événement blessant avec plus de calme, en se sentant sécurisé. Si vous avez été victime de violences, vous pouvez recourir à un professionnel : services d'écoute téléphonique spécialisés, lieux d'accueil psychologique, etc. 
En exprimant vos émotions, vous les apaisez peu à peu, et vous identifiez mieux les points douloureux : Alexis se rend compte qu'il souffre autant de l'humiliation de s'être fait avoir que de la perte de son argent. Ce n'est pas s'enfermer dans sa souffrance ou se regarder le nombril, mais découvrir et accepter ses propres fragilités. A ce stade, il faut s'accepter, vulnérable : oui, je suis susceptible sur la question du travail car j'ai très peur de l'échec. Il n'y a plus alors qu'à être indulgent avec soi-même, et parfois à se pardonner. Cela permet de retrouver son estime de soi : j'ai un point sensible, mais je ne suis pas nul ! On m'a humilié sur un point de mon physique, mais cela ne m'empêche pas de plaire et d'être aimé, etc. 

Finalement, le fait d'accepter la souffrance que l'on nous a infligée permet de la soigner et de la transformer à son avantage. "Il en est du mal que l'on t'a fait comme d'un hameçon dans le doigt : tu ne peux pas l'enlever en l'arrachant, mais tu dois l'arracher davantage dans la chair pour en dégager la pointe de manière à l'extirper", indique un psychologue dans un livre sur le pardon.
 

Comprendre celui ou celle qui nous a fait mal

Le pardon est un cheminement assez long, qui peut prendre du temps comme une blessure qui doit cicatriser. Il y a plusieurs étapes sur ce chemin, que l'on ne peut pas sauter. Après l'acceptation de sa souffrance, souvent, on peut commencer à penser à l'agresseur pour essayer de mieux comprendre son geste. 

C'est une étape incontournable mais là encore, il ne faut pas se tromper : il ne s'agit pas de lui trouver des excuses, mais de porter un regard plus réaliste sur les raisons de son geste. Dans les premiers temps après le coup subi, bien sûr, on est aveuglé par la colère et la douleur. On est si blessé, qu'on ne peut que le haïr, le diaboliser. Mais avec le temps, peu à peu, la colère peut laisser la place à ce besoin de le comprendre. Pourquoi a-t-elle agi ainsi ? Pourquoi a-t-il eu ce geste ? Quelle était son intention ? Qu'est-ce qui peut expliquer sa violence ? La raison reprend alors sa place à côté des émotions. L'agresseur est vu comme un être humain avec ses fragilités et ses faiblesses, sa dignité aussi même si son geste reste très grave. Bien sûr, si celui-ci peut reconnaître sa faute et demander lui-même pardon, il sera plus facile de pardonner, mais ce n'est pas toujours possible.
 

Mama Galledou, 27 ans, brûlée vive dans un bus : peut-elle pardonner ?

Peut-on tout pardonner ?
L'attitude de Mama Galledou, cette Sénégalaise de 27 ans brûlée grièvement en octobre 2006 dans un autobus que des jeunes avaient incendié volontairement, est exemplaire. Quand le procès s'ouvre en décembre 2007, Mama ne sait pas si elle aura la force de venir. Aucun des jeunes accusés n'a avoué son geste. Finalement, elle accepte de témoigner en visio-conférence. Elle raconte le terrible attentat, les flammes, la douleur, la convalescence, son corps brûlé à 62%. "Je suis condamnée à vivre dans ce corps que je ne reconnais pas"l. Touchante de dignité, elle ne demande pas vengeance, mais veut comprendre pourquoi les six jeunes ont fait cela. "Que la vérité soit faite : c'est cela que nous attendons du procès. 

Nous faisons confiance à la justice", souligne son père. Mama interpelle directement les six adolescents. Pourquoi n'ont-ils pas attendu que les passagers aient quitté le bus avant d'y mettre le feu, pourquoi ne l'ont-ils pas secourue ? Au début, les jeunes restent murés dans le silence. Puis celui qui a mis le feu fini par craquer et par avouer son geste. Il demande pardon. C'est le soulagement, le tournant du procès. Mama Galledou et sa famille ont eu ce qu'ils voulaient. Les jeunes sont condamnés à des peines allant de 3 à 9 ans de prison, moins longues que ce que l'accusation avait requis. "Maintenant, c'est fini dans ma tête", dit Mama Galledou, qui ne demande pas de nouveau procès.
 

Trouver un sens à ce qu'on a subi

Peut-on tout pardonner ?
Pour avancer encore sur ce chemin de guérison et de pardon, un jour, il est bon de se demander ce que l'on a retiré de positif de son épreuve. "J'ai appris à dire non quand ça ne correspond pas à mes valeurs", "J'ai plus d'attention ou de compréhension pour les autres", "J'ai cessé de chercher à me faire valoir", "Je me connais mieux", etc, etc. Toute expérience, même douloureuse , peut porter du fruit et trouver un sens. Au départ, notre vie peut sembler détruite, comme un puzzle démantelé par ce qu'on a subi, mais peu à peu une nouvelle vision de la vie se reforme, les pièces du puzzle forme un nouveau dessin. "Il y a beaucoup de choses qu'à présent je trouve futiles. D'autres, au contraire, qui me semblent extrêmement importantes", a dit Mama Galledou après son procès. 
Voilà pourquoi il est particulièrement important de faire ce chemin de pardon pour les grandes épreuves. Nous ne pourrons peut-être pas tout pardonner, mais plus nous sommes détruits et atteints, plus il est important de faire un chemin de pardon pour pouvoir nous reconstruire.
 

Faut-il se réconcilier ?

Un jour enfin, on se sent plus léger, libéré de son ressentiment, de ses envies de vengeance, de son statut de victime. A-t-on oublié son agresseur ? Non, ni ce que l'on a subi, mais on n'est plus obnubilé par le passé. On peut alors décider librement de pardonner, sans se faire violence : il n'y a plus qu'à accueillir ce mouvement du pardon comme un fruit mûr qui tombe d'un arbre. 

Cela veut-il dire que l'on doit se réconcilier avec celui qui nous a fait mal ? Pas forcément. On peut se réconcilier, mais si l'on reprend une relation interrompue, les choses ne peuvent être exactement "comme avant" : c'est à nous de tirer parti de ce que nous avons découvert. On peut aussi décider de ne pas poursuivre la relation ou ne plus avoir l'occasion de revoir notre agresseur. 
Tout ceci n'empêche pas d'accorder intérieurement son pardon. C'est ce qu'a pu faire une fille devant le lit de mort de son père qui était inconscient. En lui disant intérieurement qu'elle lui avait pardonné, elle s'est sentie apaisée. Une chose est sûre : le pardon brise des chaînes bien pesantes et donne une nouvelle liberté pour aller de l'avant

 

ASSOCIATION d'Yvonne Poncet-Bonissol (Psycho-clinicienne et psychanalyste)



Cette association a été fondée en 2000 par la présidente Yvonne Poncet- Bonissol (psycho-clinicienne et psychanalyste).
             Son objectif est de venir en aide à ceux et celles qui sont victimes de harcèlement et de dévalorisation dans le cadre de leur vie privée.
             L’association soutient ces personnes sur l’ensemble du territoire français. Elle se donne pour mission d’éclairer et d’informer les juristes afin qu’ils puissent mieux cerner la personnalité du sujet à profil pervers narcissique et, en toute connaissance de cause, ceux qui en sont la proie.

Association de défense contre le harcèlement moral :

23 rue Nicolo 75 116 Paris 
Tél : 01 45 04 74 51 

Antenne de l’association à Dijon :
Tél : 03 80 58 48 89  

 

Révélations dans la Parole

A MEDITER....Jesus et le Lachon Hara.par Jean-Louis Coraboeuf

« Ayant appelé à lui la foule, il lui dit : Ecoutez, et comprenez. Ce n'est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l'homme ; mais ce qui sort de la bouche, c'est ce qui souille l'homme... Mais ce qui sort de la bouche vient du coeur, et c'est ce qui souille l'homme. Car c'est du coeur que viennent les mauvaises pensées, les meurtres, les débauches, les vols, les faux témoignages, les calomnies. Voilà les choses qui souillent l'homme ; mais manger sans s'être lavé les mains, cela ne souille point l'homme » (Matthieu 15:10-11,18-20).

Le roi David psalmodia, "Je marcherai dans l'intégrité de mon coeur, au milieu de ma maison... Celui qui calomnie [לשן, lachan] en secret son prochain, je le réduirai au silence" (Psaume 101:2,5). Partant de la racine 'lachan', les rabbins Juifs ont développé l'expression לשון הרע [lachon hara], la 'langue mauvaise' ou péché de commérage. Ce péché regroupe la calomnie, le faux témoignage, la médisance et, de façon générale, toute parole pouvant causer du tort à autrui, y compris celles prononcées de façon non-délibérée. Dans ce psaume, le roi David symbolise une figure de Jésus qui marche au milieu de sa Maison, l'Eglise.

Face aux pharisiens et aux scribes, Jésus rappela que c'étaient les mauvaises paroles prononcées par leurs lèvres qui souillaient l'homme et non pas le fait de manger sans se laver les mains. En effet, les lèvres révèlent le contenu du coeur. Le lachon hara est le péché de la langue, il touche au moins trois personnes : celui qui parle, celui qui écoute et celui qui est la cible de ces propos. Lorsque nous sommes témoins du lachon hara nous avons la responsabilité de reprendre la personne, "Si ton frère a péché, va et reprends-le entre toi et lui seul" (Matthieu 18:15). Jean, l'apôtre de l'amour, écrivit au sujet de Diotrèphe, "Si je vais, je rappellerai les actes qu'il commet, en tenant [phluaréocontre nous de méchants propos" (3 Jean 1:10). Le verbe grec phluaréo signifie bavarder, parler à tort et à travers. L'apôtre Jacques, lui, expliqua combien la langue de l'homme se domptait difficilement, car par elle sortait aussi bien la bénédiction que la malédiction (Jacques 3).

De même que David ne tolérait pas la calomnie dans sa maison royale et la réduisait au silence, Jésus ne tolère pas ce péché de commérage dans Son Eglise. En tant que membres de la Maison de Dieu, nous sommes invités à réduire au silence toute parole mauvaise qui attriste le Saint-Esprit (Ephésiens 4:29-32). Et en tant que serviteurs de Dieu, nous avons l'autorité du Nom de Jésus-Christ pour réduire au néant toute mauvaise parole prononcée contre nous, "Toute arme forgée contre toi sera sans effet ; et toute langue [לשוןqui s'élèvera en justice contre toi, tu la condamneras. Tel est l'héritage des serviteurs de l'Eternel, tel est le salut qui leur viendra de moi, dit l'Eternel" (Esaïe 54:17).