La jalousie, une maladie!?
« La jalousie est de toutes les maladies de l’esprit celle à qui le plus de choses servent d’aliment et le moins de remède. » Montaigne
Par définition, la jalousie est un sentiment qui se manifeste par un état d’esprit d’attachement, d’exclusivité ou d’envie. Elle peut être fondée sur un désir de « possession» sans partage de la personne aimée et sur la crainte de la perdre, engendrée par une dépendance affective.
Ce sentiment peut rendre envieux des possessions et réussites d’autrui, mais aussi coléreux, possessif et haineux et il fait ressentir l’infidélité comme étant une trahison.
C’est une « blessure » qui fait souffrir et qui parfois, fait convoiter le bonheur d’autrui, se réjouir de son malheur ou empêche de se réjouir de son bonheur.
Certaines personnes considèrent la jalousie comme étant une preuve d’amour, sans doute que cela flatte leur ego, mais il y a dans la jalousie plus d’amour propre que d’amour, puisqu’il n’est pas dénué d’intérêt personnel. De plus, baser la jalousie pour preuve d’amour est quelque part « malsain », car cela peut mettre en danger le couple et engendrer une possessivité, sans compter les surenchères pour rendre jaloux le ou la partenaire.
Néanmoins, lorsqu’il y a une fragilité qui menace le couple créant une ouverture à l’infidélité, la jalousie peut parfois permettre une remise en question et contribuer à maintenir la relation intime.
"Un peu de jalousie éveille un amour heureux qui s'endort." Madame Deshoulières
Il faut noter qu’une « bonne » communication favorise une bonne entente dans un couple. Lorsque l’on fait preuve d’ouverture et de compréhension, cela aide à traverser les épreuves quelles qu’elles soient sans violence, ni heurt.
Les personnes jalouses et possessives ont tendance à « serrer » pour garder leur partenaire, et cela a pour effet, l’inverse de ce qu’elles souhaitent. Car cette attitude « oppresse » et crée un besoin de liberté.
La jalousie est à l’image du sable que l’on veut garder dans la main, plus on le serre et plus il s'échappe entre les doigts. C’est en ayant la main ouverte, que l’on peut garder le sable, car il reste en son creux. Ainsi, la jalousie n’est pas gage d’Amour, puisqu’elle le détruit!
"L'amour fait naître la jalousie, mais la jalousie fait mourir l'amour." Christine de Suède
Un point de vue psychanalytique
La jalousie est un mécanisme de projection sur l’autre, du désir inconscient d’infidélité, sans aucun lien avec la réalité. Les « jaloux » ayant ce désir refoulé, ne peuvent admettre que se sont leurs propres désirs qu’ils projettent sur leur partenaire.
Lorsque la jalousie est pathologique
La jalousie maladive est un symptôme qui traduit un manque d’estime de soi, voir un manque ou excès d’amour de soi. Le sentiment de jalousie est chargé d’émotions, comme la peur de perdre l’amour de l’être aimé que l’on voudrait exclusif, il y a des colères en lien avec des manques et frustrations, d’autres sentiments peuvent être mêlés, comme l’humiliation, la trahison, l’exclusion…. Il peut y avoir un sentiment prédominant comme celui de se sentir menacé, par crainte de ne pouvoir rivaliser.
Le sentiment de jalousie est une « souffrance » qui prend généralement sa source dans la petite enfance.
La jalousie est naturelle chez l’enfant avant qu’il intègre et accepte le fait qu’il n’est pas l’unique centre d’intérêt de ses proches. Si les parents accueillent sa jalousie comme étant un sentiment normal, qu’ils rassurent l’enfant sur l’amour qu’ils lui portent, peu à peu ce sentiment s’estompera, car l’enfant découvrira entre autre, le plaisir de partager des jeux avec cet « autre » avec lequel il rivalise.
Si elle n’est pas « entendue » et apaisée, elle se « mémorise » et se réactive autant de fois qu’une situation fait écho à cette souffrance.
L’exemple que donne Carl Rogers dans « psychothérapie et relations humaine » de l’enfant jaloux de son frère nouveau-né, est éloquent. L’enfant a peur de perdre ses privilèges d’enfant unique, il se sent relégué au second plan et ressent de la jalousie, quoi de plus normal à priori, envers cet intrus qu’est le « bébé».
Ce qu’il ressent est ambivalent, partagé entre « amour et haine ». Il y a en lui une « colère » liée à la « frustration » déjà éprouvée, car cet « autre » comme son père, capte l’attention de sa mère. C’est la raison pour laquelle, cet « intrus » lui est indésirable.
Si les personnes qui lui sont chères lui manifestent leur mécontentement, il en conclut qu’à leurs yeux, il est mauvais, il se sent alors menacé. Pour plaire à ses parents et pour garder leur estime, il « cohabite » avec le nouveau-venu, alors qu’en réalité il voudrait le voir disparaître. Il apprend à « rentrer » sa colère, à la « garder » pour lui, il l’intériorise, la refoule.
il va donc adopter une attitude contraire à ce qu’il éprouve, en refoulant ses sentiments. Sa blessure « s’enkyste » et devient profonde. Il apprend à masquer son ressenti, ce qui l’éloigne de lui-même, ne se percevant plus qu’à travers le regard de l’autre qu’il cherche à satisfaire pour se sentir exister.
Si l’enfant garde cette « blessure », plus tard cette colère refoulée réapparaîtra insidieusement par les ré-stimulations de situations similaires. Ce sentiment de jalousie interfèrera dans ses relations, ce qui n’est pas sans créer des «difficultés relationnelles ».
La jalousie de l’adulte
C’est une réminiscence de l’enfance, qui place l’individu dans la peur de perdre l’amour de l’être aimé dès qu’il se sent en « danger » de rivalité ou qu’il doit « partager ».
La frustration d’un désir, par manque ou par besoin, qui ne peut être satisfait ou assouvi, désir d’attention, d’intérêt, d’amour ou de reconnaissance, a pour conséquence de placer la personne qui en souffre dans une quête parfois névrotique de « possession », des êtres ou des objets, sans partage. Cette propension à vouloir se les « approprier », est une manière de tenter de combler un « manque ». C’est une pathologie qui « empoisonne » la vie, non seulement de celui ou celle qui en souffre, mais aussi de celui ou celle qui est l’objet de désir. Ce sentiment traduit une souffrance.
La jalousie « torture » celui ou celle qui en souffre. Elle rend susceptible, possessif, colérique, soupçonneux, voir même violent, ce qui est « invivable » pour le partenaire qui se sent harcelé et épié. La personne jalouse souhaite une relation affective exclusive, ce qui ne va pas sans créer de friction dans son couple et dans sa vie familiale, où tous les membres en sont affectés.
Persuadés d’une infidélité, les « jaloux », se font un scénario de tromperie qui les obsèdent et tout est passé au crible, dans l’espoir de trouver une preuve (téléphones portables, messagerie, poches, agenda, sous-vêtements…). Les allées et venues sont surveillées et les horaires doivent être respectés au risque de représailles.
La jalousie obsède, rend possessif et donne libre cours à l’imaginaire. Souvent parce que les jaloux se font l’idée que leur partenaire n’est pas heureux avec eux, leur suspicion de tromperie se porte même sur ce qui est imaginé de ses pensées, lesquelles forcément ne peuvent être que pour un amant ou maîtresse.
Lorsqu’une crise de jalousie éclate, c’est un véritable cauchemar. Elle peut être déclenchée par des « petits riens » qui peuvent générer de grandes crises, une attitude, un regard, un mot, un sourire, un retard, etc., sont autant d’indices qui viennent l’alimenter. Aucune justification, aucune preuve d’innocence ne peut apaiser cette obsession de « tromperie ».
Souvent après coup viennent les regrets et les promesses, mais ce n’est qu’illusion, n’étant pas convaincu de la bonne foi du partenaire. Car plus il se justifie et plus cela amplifie les soupçons envers lui.
Il y a dans cette souffrance une forme de paranoïa liée à la méfiance, manifestée par une pulsion qui « pousse » à tout contrôler, vérifier et maîtriser… La manipulation, les menaces, le chantage, la violence, … tout est bon pour dominer et contraindre le partenaire.
La jalousie peut aussi se porter sur ses propres enfants qui font l’objet d’attention de leur mère ou de leur père. Les personnes jalouses sont comme des enfants en demande, à travers cette souffrance, leur enfant intérieur « demande » à être entendue.
Jalousie et dépendance affective
Comme je l’ai évoqué plus haut, dépendance affective et jalousie prennent leurs sources pendant l’enfance suite à des situations de manque, de privation, de mise à l’écart, de rivalité…
Ces sentiments peuvent prédisposer l’enfant s’il a ressenti un manque affectif, lié par exemple à une situation de séparation ou d’abandon, créant en lui un besoin constant d’être rassuré affectivement.
Ils peuvent aussi provenir d’une relation affective exclusive avec la maman (mère seule), car dès que survient dans cette relation un homme ayant de l’importance aux yeux de celle-ci, l’enfant se sent comme dépossédé de son amour. Par la suite dans sa vie affective, la peur bien présente de perdre l’être cher et que celui-ci lui « échappe », fait que dès que s’approche de trop près un ou un éventuel(le) rival(e), « le jaloux ou la jalouse » se sent en danger et est en souffrance, ce qui a pour effet de déclencher dans la plupart des cas, une crise.
Il y a aussi les préférences affichées des parents pour leur(s) chouchou(s), qui ne peuvent s’empêcher de le(s) citer souvent en référence, en exemple, générant une rivalité « malsaine » au sein de la fratrie. Car rien n’est jamais aussi bien à leurs yeux, que ce que fait leur(s) préféré(es).
Il se peut aussi qu’étant en souffrance de rivalité, de mise en « concurrence » par les parents avec l’un ou l’autre de sa fratrie, que l’enfant convoite l’objet de désir du concurrent, comme ses jouets ou ses amis par exemple. La jalousie se porte sur le rival parce qu’il jouit de qualités qui lui font défaut de par sa dévalorisation.
Il se peut qu’il y ait par la suite, des scénarios de répétition, comme convoiter le partenaire du frère ou de la sœur en question et/ou lui envier toute réussite. Ou bien encore, qu'il y ait une envie de "détruire" son couple ou nier son partenaire.
Ainsi il n’est pas rare qu’il y ait une jalousie exprimée ou refoulée au sein de la fratrie. Les réflexions à l’encontre de l’un ou l’autre, sont autant de « flèches » en plein cœur. L’enfant peut se sentir mésestimé, non désiré, mis à l’écart, dévalorisé…, ces réflexions viennent alimenter et renforcer son sentiment de jalousie.
Cette « idéalisation » des parents envers leur(s) préféré(s) fait, qu’en le jaloux, une certitude s’enkyste : « je ne suis pas désirable, car je ne suis pas à la hauteur de leurs espérances».
La méfiance s’installe par la suite sur le partenaire « idéalisé », qui peut être convoité, courtisé, aimé, adulé… et lui échapper. Ce qui serait « invivable » pour une personne en dépendance affective, car sa vie dépend de cette dépendance qui lui sert de substitut.
Se faire aider pour sortir de ce processus et guérir !
Reconnaître sa jalousie, c’est déjà commencer à la dépasser, elle peut alors être surmontée. Pour en « sortir », il est avant tout nécessaire de prendre conscience que ce « mal » est pour soi et pour l’entourage destructeur.
Il est souhaitable de se faire aider, car seul il est difficile de s’extraire de son histoire personnelle pour comprendre les mécanismes qui se « jouent », comme les répétitions. Pour effectuer un travail sur soi bénéfique, il est préférable que la démarche soit volontaire, afin d’opérer des changements dans les attitudes et comportements, sans se sentir contraint.
La jalousie peut être vaincue, que s’il y a un réel engagement envers soi-même, qui doit être accompagné d’une mise en mouvement. Il est essentiel de se mettre en action pour aller vers le changement.
Pour se libérer de ce schéma destructeur, la remise en question s’accompagne d’une mise en action, à l’image du coq qui trépigne dans ses excréments, et qui n’a pas d’autre choix que de se mettre en mouvement pour en sortir. Pour cela, il lui suffit de faire un pas, puis les autres suivent.
Globalement, les personnes qui souffrent de jalousie ont peu d’estime d’elles-mêmes. Elles ont tendance à se dévaloriser, à ne pas se sentir à la hauteur, ou encore, ne se sentent pas désirables et « aimables », dans le sens de « mériter » d’être aimées. Ayant une image d’elles-mêmes dévalorisée et ne se sentant pas assez séduisantes, cela contribue à générer en elles une peur bien présente d’être trompées. Leurs attitudes renforcent ce sentiment, car plus elles font preuve de jalousie et plus cela éloigne leur partenaire qui se sent harcelé, épié et suspecté et qui plus est, pas aimé et inconsidéré.
Ce travail porte essentiellement sur le renforcement de l’estime de soi et sur la confiance qui y est liée, ainsi que sur la valorisation en se reconnaissant des valeurs. Il y a en soi des merveilles insoupçonnées qui sont autant de ressources que l’on dispose et que l’on peut connecter au besoin.
Cet accompagnement est l’occasion de « voir » ces mécanismes qui nourrissent la jalousie à travers les diverses stratégies mises en place, mais surtout de prendre conscience qu’ils sont autodestructeurs, produisant l’effet inverse de celui désiré, puisque c’est de l’auto sabotage.
La personne souffrant de jalousie, apprend à s’aimer et à voir en son partenaire l’aspect « positif », comme les marques d’attention envers elle et s’applique à lui faire confiance. En agissant ainsi, elle peut s’apercevoir que son amour n’est pas du tout menacé.
Ce travail sur soi, amène la personne jalouse à s’apprivoiser, à s’aimer et à s’estimer de manière à ne plus vivre dans la crainte d’être exclue de l’amour de l’autre, lequel jusque là était considéré comme étant la source de sa propre souffrance.
Une compréhension et une conscience de soi se fait jour, avec une conscience de plus en plus grande de sa responsabilité personnelle dans son propre bien être