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Je répète toujours les mêmes erreurs

Le passé conditionne le présent

·        La veille de son troisième mariage, Laurent s'est effondré et a failli renoncer.

« J'étais terrifié : deux mariages, deux enfants, deux échecs, et si ça recommence ? Je me connais, je m'emballe vite, j'idéalise et je me lasse au bout de quatre ou cinq ans, comme si je devais quitter un film qui ne raconte plus mon histoire. » 
Son histoire, Laurent la connaît encore mieux après trois ans de thérapie. Son père qui part sans laisser d'adresse l'année de ses 6 ans, sa mère qui l'élève « dans une haine incroyable des hommes » et qui ponctue son éducation de sentences terribles : « Tous les mêmes, pas un pour rattraper l'autre. » 
Pas un, pas même ce fils si désireux de montrer à sa mère qu'elle se trompe et qui, adulte, ne se pardonne pas de lui donner raison. « Sans thérapie, je n'aurais pas eu le courage de regarder seul dans mon histoire, il y avait trop de haine, trop de fantômes. Aujourd'hui, je ne parviens pas à croire que je suis sorti du cercle vicieux séduction-abandon. Pourtant, je suis marié depuis trois ans et tout va bien. Marie ne ressemble en rien aux femmes que j'ai aimées avant, j'avance sur un terrain inconnu. Peut-être la malédiction est-elle enfin rompue... »

·        Remonter le cours de son histoire

Comme Laurent, nombreux sont ceux qui se sentent pris dans un scénario de répétition douloureux
Que ce soit dans leur vie professionnelle, familiale ou amoureuse. 
Louise, 37 ans, architecte, passionnée par son travail, avoue : « Je me mets dans des situations impossibles, j'accumule les retards, ce qui finit généralement en conflit avec mes clients et mon patron, qui m'a même proposé les services d'un coach pour déblayer le terrain. » D'abord, elle refuse cette proposition jugée « infantilisante », mais elle finit par reconnaître que c'est le bon moment « pour faire l'inventaire de ce qui ne va pas ». 
Remonter dans son histoire pour y découvrir les noeuds, les non-dits et tous les messages qui la parasitent, c'est en effet le premier pas à accomplir quand on se sent condamné à répéter des comportements qui génèrent de la souffrance.

Sortir des rôles que l’on nous attribue.

Déjouer les rôles préétablis

« Lorsque nous sommes petits, nos parents et notre famille sont la vie même, explique Chantal Rialland, psychothérapeute spécialisée en psychogénéalogie. Et grandir, c'est devenir comme eux. En les imitant, l'enfant cherche inconsciemment à être reconnu par le cercle familial, à se faire aimer, car il désire par-dessus tout l'amour de sa mère et de son père. » 
En grandissant, l'enfant reprend à son compte les étiquettes que lui attribue son entourage : le petit sportif, la rêveuse, le garçon manqué, l'intello... Ces dénominations, plus ou moins valorisantes mais toujours réductrices, lui servent de carte d'identité. Passeport précieux dans un monde où, pour se faire accepter, il jouera le rôle qu'il connaît le mieux : celui que lui a attribué sa famille. 
Inès, 36 ans, aujourd'hui guide de haute montagne, a dû régulièrement se mettre en situation d'échec lors de concours administratifs de haut niveau pour pouvoir se libérer du destin que ses parents avaient choisi pour elle
« A 4 ans, je lisais les livres de la "Bibliothèque rose", à 6, je récitais les fables de La Fontaine, j'étais "l'intello", toujours dans ses bouquins. Mais j'étais aussi très casse-cou et très sportive. J'ai dû faire une croix sur mes aptitudes physiques. Il était hors de question de devenir "prof de gym", comme disait ma mère en faisant la grimace. J'ai suivi le chemin tracé et, de 17 à 25 ans, j'ai vécu l'enfer : échecs aux concours, mensonges aux parents. Et puis j'ai rencontré mon mari, un guide de haute montagne. J'ai changé de vie, je suis enfin devenue "moi". J'ai cessé de vouloir ressembler aux femmes de ma famille, des intellectuelles bourgeoises. »

·        Dénouer la chaîne de transmissions

Pour Chantal Rialland, nous sommes tous « le fruit d'une longue chaîne psychogénéalogique. Nos parents, nos grands-parents, nos oncles et tantes, nos frères et soeurs, et nous-même avons fait l'objet de projections. » 
En grandissant, chacun s'est identifié à un membre de la famille qu'il a connu directement ou à l'image qu'on lui a transmise de lui. « En nous identifiant, nous répétons, par scénario ou contre-scénario (je fais exactement comme ma mère ou, au contraire, je m'applique à faire exactement le contraire, mais ça ne me réussit pas car c'est une réaction et non le produit de mon vrai désir personnel), toute cette saga familiale dans les grands thèmes de notre vie. 
Nous le faisons aussi dans les plus petits détails de la vie quotidienne. » Adroite comme sa tante, indépendante comme sa mère, peu loquace comme son père... Nous avons tous des références plus ou moins conscientes qui agissent sur notre vie, souvent à notre insu et parfois de manière négative. 
Comme Philippe, qui se faisait régulièrement quitter par des femmes lui reprochant son « autisme », alors qu'il se sentait tout simplement réservé. C'est l'une d'entre elles qui lui a donné une clé précieuse. « Elle m'a dit que les Lino Ventura, les ours, les bourrus, c'était rigolo mais seulement dans les films d'Audiard ! Et Lino Ventura, c'est le portrait de mon père, un homme à l'ancienne, solide, généreux, mais pas causant ! Pour moi, c'était l'image de la virilité, de l'homme qui assure. En y regardant de plus près, je me suis souvenu des disputes entre mes parents et de ma mère qui hurlait : "Dis quelque chose !" Et mon père quittait la pièce sans broncher... »
Se retourner sur son histoire, essayer de comprendre quel rôle occupait chacun des membres de la famille est le premier pas indispensable pour sortir de ce jeu qui nous tient prisonnier

Avoir le présent que l'on mérite

Repérer les réponses inadaptées

Pour le Dr Jean Cottraux, psychiatre, « la vie est un chemin sur lequel chacun rencontre des événements qui sont autant de défis à ses capacités d'adaptation. Les scénarios de vie peuvent être compris comme une traduction des difficultés que rencontre une personne ou une personnalité pour affronter ces défis. » 
Un certain type de personnalité va établir une stratégie d'action et des valeurs qui vont l'enfermer dans un scénario de répétition. Il prend l'exemple d'une personnalité à tendance paranoïaque dont le credo serait : « Je ne vaux rien. » Son schéma de conditionnement peut se traduire par : « Si je ne vaux rien, c'est la faute des autres qui ne songent qu'à me nuire. » Et le scénario de vie qui en découle : « Méfie-toi des autres, ne parle pas, attaque avant d'être attaqué. » 
Lorsque nous répétons, nous cherchons à dire quelque chose de notre histoire qui nous a échappé. S'il n'est pas toujours facile de remonter la chaîne des transmissions, au moins interrogeons notre présent. Dans quel secteur de notre vie le scénario de répétition s'installe-t-il ? Vie professionnelle, vie privée, vie familiale ?

·        Retrouver enfin sa vraie nature

« Pour savoir si l'on est pris dans un scénario de vie, explique le Dr Cottraux, il faut commencer parprendre du recul. L'idéal est de s'extraire des conditions relationnelles qui entretiennent le problème, afin de mieux réfléchir. Un voyage, une séparation ou une retraite dans un lieu isolé permettent d'y voir plus clair. » 
Cette mise au vert, pour être fructueuse, doit être active. Pas question de méditer sur son manque de chance ou sur la brutalité du monde. Il s'agit de mobiliser toute son énergie pour sortir de la position, parfois arrangeante, de la victime, pour prendre sa vie en main
Liliane a passé la première partie de son existence à « contempler les autres me passer devant, et à les maudire sans bouger ». Jusqu'au jour où son chef de service, à la veille de la retraite, a vanté ses « compétences étouffées par un manque de confiance en soi ». Liliane, élevée sur l'air de « tout mérite est un jour reconnu », s'est réveillée brusquement. « J'étais en colère contre moi ! J'ai changé de boîte et je suis repartie de zéro. Au début, j'ai vraiment dû prendre sur moi pour passer de Liliane la petite souris à Liliane-leader, sans coach ni psy ! »

 

Flavia Mazelin Salvi