Archives 2015

Identifier la violence psychologique

Le terme maltraitance n’est apparu que très récemment. Ce terme tient compte à la fois des constats de faits et de leur effet à long-terme.

Educational and Creative composition with the message Stop Violence on the blackboard - stock photo, ce terme ciblait les personnes incapables de se protéger : les enfants, les handicapés, les personnes âgés…etc. Aujourd’hui, ce terme englobe tout le monde. Pendant très longtemps, on pensait que seuls les faibles pouvaient être victimes de maltraitance psychologique. Par exemple, lorsqu’une personne était victime de harcèlement au travail, on préférait accuser la victime de faiblesse, de mollesse, d’incompétence. En gros, le harcelé l’avait bien cherché. Personne n’était encore capable de comprendre qu’après des années de dénigrement, disqualification et humiliation, l’individu ne peut plus lutter et se résigne…

 

Grace à la vulgarisation de la psychologie, de l’appropriation de la maltraitance psychologique par la justice et les médias, aujourd’hui, nous savons qu’une victime de maltraitance psychologique est très souvent abusée parce que justement cette personne représente quelque chose de spécial, selon d’enviable, de menaçant, d’attrayant, …. pour l’auteur de la violence.

 

Dans quelle mesure peut-on parler de violence psychologique ? Est-ce que se disputer avec son conjoint est maltraitant ? Est-ce que dire à l’autre son mécontentement, le critiquer est maltraitant ? En fait, pour pouvoir identifier la maltraitance psychologique, il faut s’inscrire dans une série d’attitudes, de comportements, de mots qui composeront un climat nocif , menaçant et hostile autour d’une personne.

Ces différentes manifestations prennent de l’ampleur par leur répétition, leur intensité, leur caractère systématique et extensif et parfois délibéré. L’impact de ces manifestations dépendra de la durée pendant laquelle la victime a été exposée et de sa résistance à les intégrer ou non.

 

Les mauvais traitements psychologiques correspondent donc à des actes commis ou omis, psychologiquement dommageables. Ces actes sont faits par un ou des individus, seuls ou ensemble, qui finissent par mettre la victime en position de vulnérabilité. Les conséquences peuvent causer des dommages immédiats et à long-terme sur le plan comportemental, cognitif, affectif, psychosomatique ou physique.

 

 

Les manifestations sont le plus souvent :

-                      humiliations verbales ou non verbales répétées

-                      comportement / paroles visant à dévaloriser systématiquement

-                      dénigrement et disqualification

-                      volonté d’isoler ou de stigmatiser la victime du fait d’une particularité réelle ou fantasmée

-                      moqueries, railleries, cynisme, brimades systématiques

-                      Menace verbale

-                      Chantage affectif

-                      Mise en échec systématique par des exigences difficiles voire impossibles à réaliser

-                      Consignes ou injonctions contradictoires ou incompréhensibles

-                      Punition abusives ou aberrantes, bouderie prolongée

-                      L’indifférence, ignorer l’autre, le négliger, le priver de soin affectif, sexuel….

-                      Précariser la personne

 

Toutes ces manifestations viendront alimenter un climat général de haine, d’anxiété autour de la victime. Le caractère systématique et la durée dans le temps de ces traitements sont à prendre en compte.

 

Ces manifestations peuvent se regrouper autour de 5 formes principales de mauvais traitements :

  1. Le rejet s’entend lorsque les besoins et les demandes d’un individu ne sont pas entendus. Parallèlement, on fait comprendre à cet individu qu’il n’a aucune valeur, qu’il né mérite pas que l’on se donne les moyens de répondre à ses demandes et besoins. Dans le rejet, on retrouve également des stratégies tendant à décourager les démonstrations d’attachement (refus de partager de la tendresse, des relations sexuelles, des activités ensemble, de faire des projets..), le refus d’apporter de l’aide, du support et de l’affection.
  2. Le dénigrement  vise à retirer de la valeur à un individu et à le priver de sa dignité. Le dénigrement a plusieurs formes : la critique systématique, les humiliations privées et publiques, humiliations touchant à ce qui caractérise la personne (par exemple ; humilier une femme ronde, la taille du sexe d’un homme, le niveau intellectuel …), l’utilisation de sobriquet ridiculisant ou diminuant la personne, des comparaisons dégradante ou dévalorisante. Les capacités, même lorsque compétentes, sont réduites à nulles systématiquement. Le dénigrement se retrouve souvent associé au rejet et l’effet de cette combinaison a un impact à long-terme dévastateur sur l’estime de soi et la confiance en soi. 
  3. Le terrorisme renvoie à la création d’un environnement menaçant, hostile, imprévisible et pesant. Il s’agit, ici, pour l’auteur de violence, d’identifier les peurs de la victime et de les activer le plus souvent possible. Par exemple, imposer une opacité dans son emploi du temps et des absences injustifiées alors que l’autre est en proie, même de manière modérée, à des angoisses d’abandon. L’auteur de violence activera ainsi les angoisses de l’autre, provoquant ainsi des crises. L’auteur accusera l’autre de jalousie et le traitera comme un malade. Le terrorisme, c’est aussi passer des consignes ambivalentes poussant l’autre à l’échec, ou encore faire subir des colères excessives, imprévisibles et non fondées (même si elles seront toujours justifiées par l’attitude de la victime !!).
  4. L’isolement est essentiel dans le processus de maltraitance. Il s’agit de couper l’individu de tous contacts sociaux, collègues, amis, familles…  afin qu’il ne puisse se reposer, se confier à personne. La victime ne peut plus s’en remettre qu’à son « bourreau ». Cela peut être fait de manière directe en interdisant directement la personne de voir quelqu’un ou de sortir ou cela peut être plus insidieux. Carène a constaté qu’à chaque fois qu’elle sortait, pour voir des amis, pour rendre visite à son frère, Jean lui faisait une crise qui pouvait prendre des proportions. Jean, au départ, n’hésitait pas à faire le lien avec ces sorties. Il disait directement à Carène que cela le rendait malheureux. Carène finit petit à petit par réduire ses sorties afin de limiter les risques de crises. Mais malgré son confinement, carène eut le courage de confronter Jean au problème, lui expliquant que Jean devait faire un effort. Par la suite, chaque fois que carène osait faire quelque chose en dehors de Jean, celui-ci lui faisait des crises quelques jours plus tard pour d’autres motifs, sans aucun lien avec sa sortie. Après deux années à ce régime, Carène a cessé d’exister en dehors de Jean. Jean avait alors toute la liberté de disposer de Carène….
  5. L’indifférence qui traduit le fait de ne pas prendre en compte l’autre, ni dans ses besoins ni dans ses demandes. L’indifférence est difficile à rendre compte du fait de son caractère passif. Le rejet implique une action et un abus alors que l’indifférence « ne se voit pas ». C’est ne pas écouter, ne pas répondre à des questions, limiter les contacts affectifs, ne montrer aucun intérêt aux réalisations, projets de l’autre.

 

La violence psychologique ne doit pas se mesurer à l’intention de l’agresseur mais à l’impact de l’agression. Un agresseur vous dira qu’il pensait qu’en humiliant l’autre, il l’encourageait à évoluer. Marc s’est vu humilié tous les soirs devant ses enfants au diner. Il ne mangeait pas proprement. Le repas était froid. Il ne se tenait pas assez droit… Et tous les soirs, sa femme lui disait qu’elle le poussait pour son bien.

Il est important de comprendre qu’une seule agression ne constitue pas une maltraitance psychologique. Pour pouvoir qualifier la maltraitance psychologique, il s’agit de l’inscrire dans la durée, dans une violence systématique et dans un ensemble de comportement déstructurant.

 

Il est souvent difficile de comprendre pourquoi une victime de violence psychique et/ou psychologique ne quitte pas son conjoint, ne porte pas plainte. Malheureusement, la violence n’arrive pas dans le couple dès le début et ne se présente pas de manière grossière dès la première fois. Elle est insidieuse. Elle se drape derrière des belles intentions, de vraies raisons. Elle transforme la victime au point que celle-ci se perd et s’en remet à son « bourreau ». C’est ce que l’on appelle l’emprise psychologique. 

 

 1.    L’emprise psychologique

 

 

«  Les agressions physiques dans le couple n’arrivent pas soudainement. Bien avant les bousculades et les coups, il y a une escalade de comportements abusifs et d’intimidations. La pire violence n’est pas la plus visible. Si les femmes ne partent pas, c’est qu’elles ont été piégées, mises sous emprise ». Marie-France Hirigoyen dans son livre « Femmes sous emprise » s’est penché essentiellement sur la violence opérée par des hommes. Elle cite néanmoins succinctement le fait que la violence féminine existe.

 

La limité entre un signe amoureux et un signe de violence est peu définie. Quand déterminer que l’autre empiète sur ma liberté ou qu’il fait preuve de bienveillance ?

 

Par exemple, un de mes patients me disait que sa femme lui imposait toujours des costumes alors qu’il aimait être en jeans, baskets. Est-ce le signe d’un besoin de d’imposer ses choix à l’autre ou une envie de mettre encore plus en valeur l’homme qu’elle aime ? Doit-on parler de privation de liberté ?

Un autre me racontait que sa femme l’empêchait de dormir le soir car elle avait des angoisses et elle attendait de lui qu’il la soutienne.

Ou celui-ci a voulu faire un pèlerinage à Lourdes et sa femme lui a dit que c’était ridicule.

Etc, etc.

 

La limite consiste en la prise de contrôle progressif de la part d’un individu sur l’autre.

Fait de manière isolée, chacun de ces exemples n’a pas valeur de mauvais traitement, mais pris ensemble, ils rognent sur la liberté de penser et d’être d’un individu.

 

Progressivement, l’individu est soustrait à sa propre pensée. S’ajoute à ces signes, une tentative d’isolement du partenaire. « Je tiens à être là quand tu iras choisir ta tenue », « tu n’es pas capable de faire ceci sans moi » ou encore des crises apparaissent chaque fois que l’autre fait quelque chose pour lui-même, comme un simple cinéma ou une balade.

En isolant la victime, l’auteur de violence s’assure que l’autre ne pourra pas constater que ce qu’il vit est inacceptable, que son environnement ne lui fera pas prendre conscience du caractère anormal de la situation du couple. L’isolement est un élément essentiel à la mise sous emprise de l’autre.

Dans des cas extrêmes, la victime finira coupée de sa famille, ami, n’osera plus parler à ses collègues, voire ne les verra plus. Ainsi, confiné à sa vie conjugale, la victime se trouve privée de ses moyens d’actions et de réactions.

 

Parallèlement, alors que la victime est isolée, elle est affaiblie. L’auteur de violence aura appauvrit sa victime et refusera d’apporter de l’aide à sa victime en mal avec sa vie quotidienne, voire la rejettera sous motif qu’elle est insupportable à vivre. Elle est pesante, jamais contente, toujours « un pet de travers ». C’est le cas de cette femme qui se sera réfugiée devant la TV car tout, dans son couple, était risque de discorde. Chaque weekend, elle proposera des activités et s’entendra refuser toute idée. Elle finira chaque weekend à regarder la TV et s’entendra tous les dimanches soirs, reprocher de n’être qu’une larve, un poids pour la société, une femme sans énergie.  Le dénigrement ici est une arme redoutable car il conduit la victime à croire qu’elle n’est capable de rien et qu’elle doit s’en remettre à l’autre pour effectuer une tâche, même des plus basiques.  

Il agit sur l’estime de soi et a pour conséquence à long-terme une incapacité de penser par soi même et à prendre une décision. 

 

Enfin, l’auteur de violence n’hésitera pas à utiliser des actes d’intimidation. Crier sur l’autre avec une posture menaçante. Briser des objets. Pénétrer la zone de sécurité de son conjoint durant une dispute….  

 

La violence physique peut apparaitre mais pas forcément. Autant nous retrouvons dans toute violence conjugale physique une emprise sur la victime, autant l’emprise psychologique ne sera pas forcément associée à celle physique.

 

L’emprise a fonctionné ! La victime ne sera plus capable de quitter son « bourreau », ni de porter plainte. 

 

Elodie CINGAL

ADOS une enquête édifiante sur une sexualité à la dérive

Le livre de Géraldine Levasseur est poignant, instructif et bien écrit Par Mélina Hoffmann - BSCNEWS.FR
« L’enfant aurait voulu hurler qu’elle allait mourir, qu’elle ne pouvait plus respirer, ils s’engouffraient les uns après les autres sans lui accorder de répit, elle n’en pouvait plus. Lorsque le troisième garçon éjacula enfin, D. entendit des voix de plus en plus distantes, ses cheveux ne la tiraillaient plus, elle ne ressentait presque plus rien. Elle pensa au bien qu’elle se procurerait le soir en abîmant ses bras. L’adolescent qui la violait grogna fort et D. vomit.»

Avec 1 milliard de vidéos disponibles sur Internet et environ 700 000 sites pornographiques accessibles, le virtuel ne s’est jamais aussi bien porté. L’essor perpétuel des médias offre aux enfants et aux ados d’aujourd’hui la possibilité de se procurer, de visualiser et de s’échanger avec une facilité et une banalité déconcertantes toutes sortes de contenus, notamment des films, des vidéos et des images qui - bien souvent - n’auraient jamais du atterrir entre leurs mains.
Tandis qu’Internet est devenu la baby-sitter préférée de nombreux parents, il suffit d’un simple clic pour que s’efface l’avertissement « interdits aux moins de 18 ans » dont l’effet semble même être devenu plus attractif que dissuasif… A 7 ans, de nombreux bambins ont déjà vu leur premier film porno.
Ainsi, ce qui était autrefois un domaine réservé au monde des adultes a peu à peu envahi l’univers des enfants. La pornographie et tout ce qu’elle induit - brutalité, vulgarité, humiliation, simulation… - est désormais accessible à un public qui n’est pas armé pour interpréter ces images comme elles doivent l’être. Difficile de s’étonner alors que le nombre d’agressions sexuelles commis par des enfants augmente chaque année…
Journaliste pour Zone Interdite et Marie Claire, Géraldine Levasseur s’est penchée sur ce phénomène inquiétant. Six mois durant, elle s’est immergée au cœur de la brigade des mineurs de Marseille afin de suivre le quotidien de ses enquêteurs. Elle a recueilli les témoignages de nombreux collégiens, mais aussi parents, professeurs, psychanalystes, juges…
Elle nous raconte notamment l’histoire bouleversante de D., une ado de 13 ans, bonne élève et issue d’un milieu privilégié, qui a été durant trois mois le martyr des garçons de son quartier, subissant des viols quasi-quotidiens et se scarifiant pour exorciser son mal-être. Le récit douloureux d’un véritable calvaire subi par cette adolescente qui se détestait pour n’avoir su dire non, culpabilisait d’avoir causé des ennuis supplémentaires à sa mère, de ne pas avoir parlé ni s’être défendue, et pour cela ne souhaitait qu’une chose : mourir. Et c’est à maintes reprises et de toutes les façons possibles qu’elle tenta de se donner la mort, au point de sombrer plusieurs fois dans le coma et de nécessiter une surveillance permanente en hôpital psychiatrique. 
« - Je ne peux pas guérir de cette maladie. Elle me dévore. J’ai tellement mal dans mon cœur, à l’intérieur, partout, que je ne sais même plus où ça me fait mal…
Laisse-moi mourir maman, s’il te plaît. »
Des paroles qui laissent sans voix…

Au fil des pages nous découvrons d’autres témoignages édifiants : des victimes traumatisées et perdues ; des adolescents qui déclarent ignorer que les fellations forcées constituent un viol et utilisent des mots crus qu’ils ne devraient - à leur âge - ni connaître, ni comprendre ; des jeunes filles prêtes à pratiquer des fellations à leurs camarades de classe pour s’affirmer ou faire partie d’une bande, sans que cela les choque ; une jeune fille de douze ans qui affirme devant son père vouloir devenir actrice de film porno parce qu’elle « aime ça » ; un père qui offre un film porno comme cadeau d’anniversaire à son fils de 13 ans ; mais aussi les fausses déclarations de viols de filles qui doivent rentrer au bled pour être mariées et qui ne sont plus vierges…
Et face à cela toutes sortes de réactions, des plus humaines aux plus condamnables : des parents désemparés qui se blâment de n’avoir su protéger leur enfant de toute cette perversité ; certains qui ferment les yeux, se réfugiant derrière leur sentiment d’impuissance ; ou d’autres encore qui n’hésitent pas à banaliser les actes de violence commis par leurs chers rejetons…

L’auteur dénonce le manque d’investissement et le retard de l’Education nationale dans sa mission éducative ; des professionnels blasés qui en oublient parfois qu’ils ont face à eux des victimes en souffrance ; la négligence de nombreux parents ; ou encore la lenteur des procédures, à l’image du cas de D. où il aura fallu huit ans pour que le procès ait lieu, que la jeune fille soit reconnue comme victime et que ses agresseurs écopent de peines dérisoires…

Plus que jamais, les enfants sont en quête de valeurs affectives dont ils manquent trop souvent, de normes qui ne sont plus définies, de limites que bien des parents ne savent plus imposer. 
Il est temps d’ouvrir les yeux, de réagir, et de rendre à nos enfants l’innocence et l’insouciance dont ils ont besoin pour se construire et desquelles nous les privons de plus en plus. Pour que la sexualité ne devienne pas, à leurs yeux, synonyme de barbarie et continue à rimer avec les mots respect, liberté et amour.
Un livre poignant, instructif et bien écrit qui mérite d’être placé entre les mains de chacun de nous, pour mieux comprendre ce phénomène inquiétant, qui concerne toutes les classes sociales, avant qu’il ne nous dépasse…
 
Ados : la fin de l’innocence - Enquête sur une sexualité à la dérive
Géraldine Levasseur ( Editions Max Milo) 

Chantage Affectif comment s'en libérer

Les mécanismes du chantage affectif

Chantage affectif: Comment s’en libérer?

Le chantage affectif s’appuie sur des émotions contradictoires où l’amour, l’amitié et l’affection côtoient la peur et l’obligation, sans oublier la culpabilité, qui est l’arme préférée du maître chanteur affectif. C’est bien loin des concessions saines et indispensables à la construction de toute relation, affective, professionnelle, amicale ou familiale. 

«Si tu aimais vraiment ta mère, tu ne partirais pas vivre avec cet homme!», «Je pensais que nous étions amis, mais ta réaction me prouve que je me suis trompé!», «Si tu me quittes, tu ne verras plus tes enfants!» Ces petites phrases vous rappellent quelque chose? 

Profitant de la faiblesse et de la sensibilité du conjoint manipulé, le maître chanteur affectif transforme la relation en une sorte de marchandage émotif: soit vous cédez à ses exigences, soit c’est la fin de votre relation! 

Si, vue de l’extérieur, la situation ne semble pas dramatique (après tout, rien ne vous empêche de dire non et d’en assumer les conséquences!), elle n’est pas si simple vécue de l’intérieur. Et pour cause, le chantage affectif se déroule toujours sur le plan émotionnel, au détriment de la volonté et de la raison.

Comment s’étonner alors de la culpabilité ressentie face à un maître chanteur qui se pose en innocente victime? Comment être surpris aussi en voyant le partenaire manipulé renoncer à ses désirs et à sa liberté pour se dévouer corps et âme au bonheur et au bien-être de son «bourreau»?

Par son côté toxique et dévalorisant, le chantage affectif crée un lien de dépendance où seuls les désirs du plus fort sont pris en compte. Faute de résistance, il se répète à n’en plus finir.

Jouant sur la séduction, la fidélité, le dévouement, l’attachement, il invoque l’amour («Je pensais que tu m’aimais plus que ça»), se nourrit de remords («C’est comme ça que tu me remercies?»), recourt aux menaces directes ou voilées («Si tu me quittes, je me suicide!»).

Rassuré par un apparent regain d’amour ou d’affection, le maître chanteur affectif se sent satisfait, du moins temporairement. Mais qu’en est-il du conjoint manipulé, de ses émotions, de ses rêves et de ses désirs?

Parents-enfant : peut-on parler de chantage affectif ?

Durant les premières années de sa vie, l’enfant établit une relation fusionnelle avec ses parents. Il apprend à les aimer puis à s’en distinguer et, enfin, à se positionner dans la famille. 

Lorsque cette relation triangulaire est sécurisante, l’enfant accède progressivement à son identité et à son autonomie. Il apprend aussi à développer une image positive de lui-même.

Mais que se passe-t-il quand l’amour de ses parents le prive de liberté? Quand les marques d’affection de ces derniers dépendent de sa capacité à répondre à leurs exigences? Cela engendre chez l’enfant des difficultés à se construire et à prendre confiance en lui.

Si dans toutes les familles, les parents occupent une place très active dans la vie de leurs enfants, certains utilisent leur autorité comme un moyen de contrôle. Lorsqu’un parent surprotecteur est incapable de faire face au changement et au besoin d'autonomie de son enfant, le chantage affectif devient un excellent moyen de pression.

La manipulation subie par l’enfant peut prendre différentes formes: sous prétexte qu'il paie le loyer, un père pourra imposer à son enfant ses propres critères en matière de décoration, une mère qui ne voit pas son enfant aussi souvent qu’elle le souhaite pourra se plaindre du vide de sa vie, etc.

Si la tension ressentie par l’enfant génère du stress, de la colère ou de la tristesse, son sentiment de culpabilité tend à bloquer son développement émotionnel. Au fil des années, son manque de confiance en soi, sa difficulté à s'affirmer, sa faiblesse et son incompétence en feront un adulte mal dans sa peau, incapable de prendre une décision, sans cesse à la recherche d’une validation externe.

Selon l’intensité et la fréquence du chantage affectif, l’enfant aura peu de chance de réussir sa vie personnelle, professionnelle et amicale.

Chantage émotionnelle : comment s’en sortir ?

La force des maîtres chanteurs affectifs tient à ce qu’ils connaissent très bien les faiblesses de leurs victimes et qu’ils les utilisent à leur avantage. Il faut souvent des mois, voire des années, avant que la personne manipulée découvre que les actions du manipulateur et l’image bienveillante qu’il projette ne sont qu’un leurre. 

Une fois le manipulateur démasqué, il est vital de mettre fin au cercle infernal du chantage affectif. Comment? En modifiant votre comportement sur le fond et sur la forme. 

De fait, si vous aviez l’habitude de céder par crainte que l’autre ne mette sa menace à exécution ou par peur de représailles, apprenez à négocier: «Je veux bien faire ce que tu me demandes, mais pas aujourd’hui!»

A partir du moment où vous êtes prêt à décider seul des évènements, faites-le sans condition et selon vos propres croyances. De cette façon, vous casserez l’engrenage blessant, agaçant ou humiliant des réponses du maître chanteur.

De même, cessez de croire qu’en agissant selon vos désirs, l’autre vous trouvera égoïste. Penser à soi, exprimer ses désirs, vouloir les vivre pleinement contribue au bien-être et à la confiance en soi (ce qui n’a rien à voir avec l’égoïsme). Pourquoi s’en priver alors?

Vos questions doivent vous aider à mieux cerner vos attentes et vos envies. Libéré des contraintes, de la culpabilité et du remords, vous apprendrez à travailler sur votre propre bien-être. Une fois cette première étape franchie, vous n’éprouverez plus ce besoin quasi obsessionnel de justifier vos décisions et vos choix.

Si difficile qu’elle soit, votre «désintoxication» ne dépendra que de vous et de votre désir de mettre un terme à cette relation malsaine!

 

 

Peut-on MENTIR?

Quand nos mensonges ne causent pas à notre prochain un tort appréciable, nous les amnistions facilement. Aurions-nous donc dérangé l'ordre de la justice et de la charité par quelques bouts de phrases inoffensives?

Si, au contraire, nos mensonges amènent les autres à des actions préjudiciables à leurs intérêts matériels ou moraux, cette conséquence d'injustice nous frappe et notre conscience s'en émeut.

Elle a raison de s'émouvoir, car c'est une faute de violer la justice par n'importe quel procédé, fût-ce par le mensonge. Mais elle a tort de ne point s'émouvoir plus tôt. En effet, ce n'est encore rien dire du mensonge que de le mesurer au préjudice qu'il cause. Il est antérieur à celui-ci. Il peut même exister sans lui. N'y a-t-il pas des menteurs qui perdent leur temps à vouloir nous berner? Ils ne nous causent aucun dommage et ne font tort qu'à eux-mêmes.

Le mensonge heurte plus directement la sincérité que la justice. Sa malice foncière consiste à contrefaire la vérité. Le menteur exprime au dehors, par paroles ou signes, l'envers de ce qu'il sait ou croit savoir. Au reste, il peut se leurrer lui-même : inattentif aux événements ou mal renseigné, il lui arrive de dire vrai, croyant dire faux. Qu'importe! il parle contre sa pensée ; cela suffit pour en faire un menteur.

Qu'à cette falsification volontaire s'ajoute, chez le menteur, l'intention de tromper, c'est là une conséquence psycholo­gique normale. D'ordinaire, l'on poursuit ce but, quand on se met en frais de mentir, et le mensonge y trouve son effet propre et son achèvement naturel.

Mais la fantaisie s'introduit partout, et elle peut se donner libre cours dans le maniement des mots et des signes qui forment notre langage. Ne peut-on pas se payer le luxe de propos mensongers, simplement pour amuser la galerie, sans souhaiter autrement qu'elle s'y trompe?

Le mensonge est donc, avant tout et quels que soient ses compléments accidentels, l'expression signifiée ou parlée d'une contre-vérité, ou mieux d'une contre-pensée.

 



Le mensonge est peut-être la tare la plus coutumière de nos relations sociales.

Il rencontre un excellent terrain de culture dans certaines prédispositions de tempérament, et il subit, comme tout autre acte, l'entraînement de l'habitude.

Les médecins aliénistes signalent la tendance au mensonge comme le trait spécifique de la psychologie hystérique. Captif d'une idée ou d'une imagination, incapable de beaucoup modi­fier son thème mental, le psychasthénique interprète tous les événements ambiants — actions, paroles ou gestes — en faveur de son point de vue. Et comme celui-ci alimente fréquemment une manie de la persécution, l'hystérique, par instinct de défense, riposte à toute interpellation et à toute ingérence par un soupçon de malveillance et par le mensonge.

D'ailleurs, cette même tendance se rencontre en dehors des cliniques. On sait que, lors d'un grave accident suscitant une émotion forte, chaque témoin raconte l'événement à sa manière, sans qu'il soit possible d'accorder les variantes. Or ce qui est exception dans une vie individuelle peut devenir habitude chez certains prédisposés. Outre que, parfois, la tare hystérique se rencontre insoupçonnée chez les débiles de corps ou d'esprit, nous trouvons la coutume du mensonge particu­lièrement accusée chez les émotifs. Si le propre de l'émotion est d'activer et de multiplier les fantasmagories imaginatives susceptibles de renforcer cette émotion, il est compréhensible que certains tempéraments déforment la réalité par leurs points de vue hallucinatoires : ils croient avoir vu, avoir entendu, avoir constaté, et, de bonne foi, ils affirment ce qu'ils ne savent pas ou nient les plus claires évidences ; ils grossis­sent les détails, inventent des épisodes, quand ils ne construi­sent pas de toutes pièces des événements inexistants. Mais laissons ces cas plus ou moins anormaux. L'habitude du mensonge peut se prendre, comme toute autre habitude, par la répétition des actes. Il y a des gens qui sont menteurs par définition, presque par naissance. Un vice d'éducation a faussé sur ce point leur conscience ; ou bien une vie morale, menée sans contrôle durant de longues années, acclimate en eux ce travers. N'entendons-nous pas dire par­fois à propos de quelqu'un : « C'est un menteur, il porte cela sur sa figure. » C'est exact : il existe des faces hypocrites aux regards louvoyants qui nous mettent en défiance. On connaît le dicton dépréciatif et vulgaire : « Menteur comme un arra­cheur de dents". Certains beaux parleurs farcissent leurs discours de tant de boniments, ils y entremêlent avec tant d'adresse vérités et faussetés qu'il faut bien accepter comme juste cette réflexion d'Aristote : « Les habitués du mensonge trouvent plaisir à mentir[1]. »

Mais les actes précèdent l'habitude, la façonnent peu à peu et l'enracinent. C'est donc en regardant l'intention immédiate de chaque mensonge que nous pourrons le juger moralement et apprécier sa culpabilité.

 



Le mensonge, inspiré par une intention de haine, d'envie ou de jalousie, est évidemment le plus répréhensible. Il est une forme de la rancune ou de la vengeance, un moyen de léser autrui dans son bien matériel ou moral.

La calomnie en est une première forme. Mais ce n'est point la seule. Rapporter des événements faux, donner des indica­tions erronées, porter des appréciations et des jugements contraires à la vérité, peut devenir le point de départ, chez qui s'y laisse prendre, d'une conduite désastreuse : son action est désorientée, elle s'engage en des pistes malheureuses qui aboutissent à des échecs ou à de graves ennuis.

Outre sa malice propre de contre-vérité, le mensonge s'aggrave ici de l'intention du préjudice.

Sa culpabilité se dose d'après le tort effectué, pour autant qu'il est prévu et voulu. Si, par exemple, la fausseté exprimée se rapporte à l'enseignement religieux et moral qui donne l'empreinte initiale à toute une vie, ou si elle cause au pro­chain un dommage dans sa réputation ou dans ses intérêts légi­times, il est manifeste qu'un tel mensonge—  toutes conditions de consentement et de claire vue des conséquences étant données — peut devenir une faute grave.

 



Les théologiens qualifient de pernicieux le mensonge qui porte l'intention directe de nuire. Ils le distinguent, par-là, du mensonge officieux qui, comme l'épithète le souligne, emploie ses bons offices au service du prochain ou du menteur lui-même, que celui-ci veuille procurer un avantage ou pré­server d'un mal celui en faveur duquel il ment. C'est le mensonge-excuse,  le mensonge-défense. L'enfant, menacé d'une correction, nie impunément le fait inconvenant ou délictueux qu'on lui impute. Pour hausser un ami, nous lui attribuons des mérites qu'il n'a pas et nous le déclarons innocent des fautes qu'il a commises. Nous procédons de même pour nous faire valoir ou nous disculper.

Si le mensonge prenait toute sa culpabilité du dommage causé au prochain ou de l'intention de ce dommage, du coup, le mensonge officieux serait réhabilite. Il ne serait pas une faute.

Mais tout mensonge, qu'il soit nuisible ou utile en ses effets, est constitué, en son fonds, par un dérèglement qui en fait une faute morale. Mentir, c'est contrefaire les moyens d'expression que Dieu nous a départis pour extérioriser en des jugements vrais nos pensées et nos sentiments. La vie en société, à laquelle nous sommes providentiellement astreints, ne fournit ses bienfaisants résultats que par la garantie d'une réciproque sincérité entre les hommes. Ceux qui nous fré­quentent ont un droit positif à n'être point trompés par nous; et ils doivent nous concéder la même exigence[2].

Sans doute, la bonne intention d'être utile amoindrit la faute. Au surplus, nos mensonges de défense ou d'excuse peu­vent avoir plus ou moins d'importance. Mais une faute atténuée reste cependant une faute. De même qu'il n'est pas permis de voler pour faire l'aumône, de même il ne l'est pas de recourir à un désordre illicite pour empêcher ce qui est nuisible à soi-même ou aux autres : cela n'est permis ni pour sauver la vie à un innocent, ni pour un prétendu motif religieux ou moral, ni sous aucun prétexte[3].

Faute morale, tout mensonge est encore une faute contre la charité. Tromper les autres, n'est-ce pas une manière de les haïr, tout au moins de ne pas leur donner l'amour complet qui leur est dû? Il suit de là que tout mensonge offense la charité que nous devons à Dieu ; car nous n'aimons pas Dieu si nous n'aimons pas notre prochain comme Il l'aime. Dieu, vérité absolue, ne trompe point les hommes ses enfants. En les trom­pant, comment n'offenserions-nous pas la Divine Charité ?

 



Plus que les précédents, le mensonge joyeux embarrasse le moraliste qui ne veut point laisser fléchir la règle.

Ce mensonge n'est pas inspiré par le motif de nuire, mais par celui de distraire et d'amuser. C'est une façon de jeu, une « manière de rire » dont le comique est supposé devoir être accepté.

Allons-nous donc lui tenir rigueur ? Il est si anodin ! Il a un tel air « bon enfant » ! Il badine et diffuse l'agrément, Pourquoi lui interdire de mettre un peu plus de joie parmi les hommes?

Encore ne faut-il pas confondre le badinage du discours avec le mensonge joyeux et, pour employer les mots vulgaires mais expressifs, la « blague » avec la « farce ».

La première est une fanfaronnade de phrases, une cocas­serie qui, d'elle-même, annonce ses exagérations et découvre son intention purement amusante. La contre-vérité n'est ici que dans la forme. Le « blagueur » serait fort marri qu'on le prît au sérieux et que l'on fût dupe de ses facéties.

La seconde est un petit complot dans lequel on concerte de tromper véritablement quelqu'un, en l'amenant, par exemple, à une démarche insolite et fertile en quiproquos. Malice inof­fensive en apparence et qui devient parfois offensante. Tous n'admettent pas d'en être victimes : ce qui prouve qu'elle n'est point sans reproche.

Le mensonge joyeux, si légère que puisse être sa culpabilité, demeure cependant un déguisement de la pensée, une ruse plaisante qui, même en sa manière anodine, déconcerte la sin­cérité. Et puis, la farce tourne parfois au tragique. Elle est inacceptable lorsqu'elle aboutit à la dérision inopportune de celui aux dépens duquel elle s'exerce. Au reste, le farceur se nuit à lui-même, surtout quand il est coutumier du fait. Il existe de « bons garçons » disposés aux gais propos et qui nous amusent un instant par la fertilité de leurs trouvailles ; mais leur habitude de travestissements et de pantalonnades finit par nous lasser. Ils entortillent tout ce qu'ils disent de tant d'histoires, qu'ils rencontrent, de notre part, une défiance instinctive, lorsqu'ils veulent parler sérieusement.

 



Tels sont les principes qui doivent régir notre conscience morale en ce qui regarde le mensonge et ses formes diverses.

Il est à peine besoin d'ajouter — tant c'est une évidence — que le menteur est tenu à la réparation. Nous sommes trop facilement enclins à mentir, sans nous inquiéter des suites de nos mensonges. Réparer les dommages, quels qu'ils soient, est un devoir strict, une dette de justice.

Même s'il n'a point causé de préjudice, le mensonge exige, pour l'honneur, son propre désaveu : humiliation obligée qui est la première rançon de la faute.

 

Notes et références

  1.  Eth., I.IV, ch.VII
  2.  Pour le développement de ces motifs de culpabilité de tout mensonge, voir un précédent article : Être et paraître. (Revue des Jeunes, t. XII, pp. 333-338.)
  3.  L'excuse la plus courante mise en avant par le menteur est celle-ci : il existe des cas où l'on est acculé à mentir, par exemple : devant une demande inquisitoriale trop pressante et que l'on est obligé d'éluder par le mensonge ; ou encore quand il importe de ne point peiner quelqu'un par l'annonce d'une vérité trop crue. Cette excuse est insuffisante : au lieu de mentir, on peut toujours se taire, dépister les interrogatoires ou faire entendre que certaines questions sont intempestives. Il y a un art de taire ou de doser la vérité, un art auquel la morale elle-même nous oblige. J'espère le montrer dans un prochain article : Les Prudences de la vérité

 

PAS DE FÊTE POUR LES MAMANS !! Par O.Odinetz

Quand le prix du divorce est la confiscation de l’enfant

 « Bonne fête, maman ! Tu es la meilleure, la plus douce, la plus merveilleuse des mamans au monde ! » La fête des mères, ce n’est pas seulement la fête des femmes qui ont donné la vie. C’est la fête de la vie elle-même, la célébration d’un lien physique et psychique qui relie mère et enfant depuis des millénaires, de ce cycle natal du don qui est la source de notre humanité !

Mais ce dimanche 6 juin, des milliers de mères n’auront aucune nouvelle de leur enfant, et des milliers d’écoliers, le cœur meurtri, vont rendre une feuille blanche à leur professeur de dessin, n’ayant personne à qui écrire « Bonne fête, maman chérie ! ». Pendant que leurs petits camarades de jeux vont rentrer joyeux à la maison se blottir dans les bras de leur maman, ces enfants resteront seuls, orphelins d’une mère en larmes, punie pour avoir voulu quitter son conjoint qui restera toujours leur père. Au mois de juin, ce seront d’autres dizaines de milliers d’enfants qui refuseront d’écrire : « Bonne fête,papa ! ». En France, et un peu partout en Europe, la confiscation de l’enfant est devenue la dernière arme de la guerre du divorce, la plus sordide, la plus violente et la plus efficace pour se venger et détruire l’autre, celui qui vous quitte ou dont on veut se débarrasser.

enfant en colère : Portrait de jeunes filles hurlant aux yeux exorbités

 

 Si tu veux nous voir, tu n’as qu’à revenir vivre avec papa ! Tu l’as quitté – tu n’es plus notre mère ! », 

et l’enfant raccroche violemment le téléphone. Trente secondes, pour entendre la voix, à la fois rageuse et triste de sa fille - c’est tout ce qui reste à Laurence comme lien avec Alix, qui vient de fêter ses 16 ans uniquement avec sa famille paternelle. Le frère cadet renchérit : « Tu as fini de nous harceler ? », puis la voix de Sophie éclate en sanglots : « Comment oses-tu nous appeler, laisse-nous tranquille. On ne veut plus jamais te voir ». Six mois après la demande de divorce de Laurence, ses enfants ont exigé d’aller vivre avec leur père, terrorisés qu’il ne renouvelle sa tentative de suicide « car sans vous, il n’a plus de raison de vivre », leur a expliqué le grand-père paternel. Depuis, ils refusent de voir non seulement leur mère, mais toute la famille maternelle, ses voisins et les personnes de sa connaissance : « elle est dangereuse, elle nous maltraite…Tous ses amis et toute sa famille nous tapent aussi. Ils sont tous les ennemis de papa et veulent le mettre en prison ». Pendant deux ans, le père a emmené les enfants au commissariat déposer une main courante dans laquelle ils déclaraient que c’étaient EUX, les enfants, qui « de leur propre volonté » refusaient de voir leur mère.

Bernard, 10 ans, gratte violemment un bouton de moustique jusqu’au sang avec une pointe de couteau devant l’aide ménagère horrifiée, qui s’arrête de repasser. « Tu vas voir, ça va saigner encore plus… Ce soir, en rentrant chez papa, je vais dire que c’est maman qui m’a torturé. Et c’est bien fait pour elle, car il a déjà pris un rendez-vous avec le médecin pour moi. Papa n’est plus avec elle, alors c’est moi qui va lui faire la peau ! ». Il y a deux ans, ce sont les voisins de Caroline qui ont alerté la police, quand la petite fille de 7ans est venue frapper à leur porte à 22 heures : « venez vite, papa tape maman trop fort, il va la tuer…». Après des crises de violence répétées chez sa mère, Bernard est parti vivre chez son père, sans plus revoir ni sa sœur et son frère. Deux ans après le juge pour enfants note : « ..l’ampleur de la souffrance des enfants face au conflit parental. (Bernard) est manifestement en souffrance… il y a l

ieu de s’alarmer ». Le mari de Caroline vient d’être inculpé de violences conjugales, non paiement de pension alimentaire et enlèvement d’enfant. Mais Bernard reste chez son père et continue à refuser de voir sa maman

Après 15 ans de mariage avec un homme autoritaire, froid et exigeant, Emmanuelle passe des crises d’asthmes dans la dépression. De retour de convalescence, elle trouve les portes de sa maison verrouillées avec de nouvelles serrures et une plainte pour abandon de domicile. Un ami l’héberge. Après quelques mois, accusant sa mère d’avoir délaissé 

sa famille, sa fille Marianne, âgée de 14 ans, ne veut plus la voir, et lui hurle sa haine adolescente dans des jurons pornographiques que la mère ne comprend même pas. Au doigt, l’alliance

 qu

e son père lui a offert car elle est maintenant « la femme de la maison ». La juge note que « l’enfant est impliquée totalement dans la problématique 

conjugale et refuse avec violence …tout contact avec sa mère.. jusqu’à manifester de le haine…l’instauration d’un suivi psychologique de Marianne est indispensable ». A une dizaine de kilomètres de là, Francine aura supporté 27 ans de violences conjugales pour vivre le même déchirement avec sa fille de 11 ans.

Les deux enfants de Krystel sont partis le vendredi soir pour leur week-end de visite chez leur père, dont leur mère est séparée depuis un an. Dimanche, ils lui téléphonent pour lui annoncer qu’ils ne « veulent plus jamais la voir de toute leur vie, et que demain, quand ils vont venir chercher leurs affaires– ils ne veulent pas qu’elle soit là dans l’appartement ».

Vadim et Maïa ont été enlevés à l’âge de 7 et 9 ans par leur père à la sortie de l’école. Après 3 ans de recherche dans le monde entier, Nathalie les retrouve en cavale aux Caraïbes. Prévenu de l’arrivée de sa femme par les autorités locales, le père explique aux enfants qu’ils doivent fuir une fois de plus les « assassins que leur mère a payés pour les tuer ». Quelques années plus tard, c’est l’extradition vers la France. A l’aéroport, la joie de Nathalie vire au cauchemar, quand elle entend ses enfants, flanqués de leur avocat, lui crier leur haine et leur refus catégorique de la revoir. Le juge justifie la résidence des enfants chez la grand-mère maternelle, comme « la moins mauvaise solution ». Nathalie n’a plus aucune nouvelle de ses enfants depuis 3 ans.

Récemment divorcée, Hélène a envoyé il y a deux ans, ses trois garçons passer leurs vacances d’été avec leur père en Australie. Seuls deux enfants sont revenus : « Quand les deux autres seront des hommes, je les reprendrais. En attendant, tu es une mère formidable, et je te laisse t’en occuper tant qu’ils sont petits ».

Quand Clotilde demande le divorce, son mari simule le suicide et lui confisque les enfants. Pour se venger de sa femme, il emmène les deux pré-adolescents régulièrement voir des films pornographiques en leur expliquant que « toutes les femmes sont pareilles, elles ne servent qu’à cela et que leur mère est encore pire… ». Quand l’entrée du cinéma leur est refusée après contrôle de l’âge des enfants, il va louer des cassettes pour les regarder à la maison. La petite Catherine est âgée de 12 ans. Elle reviendra chez sa mère 8 ans plus tard. Aujourd’hui, elle a 28 ans, elle suit un traitement psychiatrique et ne supporte toujours pas de voir un homme se déshabiller devant elle.

Claudine voit son enfant de 8 ans selon le bon vouloir de son ex-mari. Elle ne veut pas porter plainte pour non représentation d’enfants, car « quand les juges constatent des conflits parentaux, ils retirent les enfants aux parents pour les placer dans des foyers ou des familles d’accueil ». C’est ce qui est arrivé à Maryline qui pendant 4 mois avait signalé en vain les énormes bleus qui marquaient régulièrement le corps de sa petite fille de 3 ans au retour de ses visites de chez son père. Le soir où l’enfant a été rendue inanimée à sa mère, Maryline s’est précipitée à l’hôpital. Le lendemain, l’enfant était placée en urgence, sans enquête ni audition des parents. Depuis 6 ans, malgré les non-lieux et les attestations médicales en sa faveur, Maryline n’a toujours pas retrouvé sa fille, qui vit dans une famille d’accueil dont elle ignore le nom et l’adresse. Au point rencontre, l’enfant l’accuse : « …la dame du foyer m’a dit que tout est de ta faute. Je dois vivre dans une autre famille parce que tu as voulu quitter papa et c’est très mal. Tu es coupable ».

Aucune de ces femmes ne passera la fête des mères avec leurs enfants, qui, sous l’emprise de leur famille paternelle, les rejettent ou nient même leur existence. Elles ont toutes une même histoire en commun : mères aimantes, elles n’ont jamais eu aucun problème avec leurs enfants jusqu’au jour où elles ont voulu se séparer du père de ces derniers. Leurs enfants, otages d’un terrible conflit de loyauté, ont défendu leur père qui s’est posé en victime abandonnée, et rejettent apparemment froidement et sans aucun remords non seulement leur mère mais toute la famille maternelle. Tous ces enfants ont une histoire en commun : ils sont victimes de maltraitance psychologique.

Un grand nombre de parents sont incapables de gérer l'après séparation et ne trouvent pas les compromis nécessaires pour protéger les enfants du conflit conjugal. Le refus d’un parent à prendre en considération les besoins de l’enfant à maintenir le lien à l’autre parent, va le conduire à soustraire l’enfant à toute une moitié de sa famille, et à empêcher l’ex-conjoint d'exercer ses devoirs et ses droits en matière d’autorité parentale.

La confiscation d’un enfant par un parent s’appuie sur son détournement psychique, et se traduit par la rupture du lien affectif entre l’enfant et son autre parent, qu’il est conduit à rejeter, souvent au prix de fausses accusations. Cette confiscation est souvent l’aboutissement d'un conflit de couple très complexe et douloureux, avec des antécédents plus ou moins visibles de comportements violents, de maltraitances et de menaces. Le parent « ravisseur » développe un comportement vindicatif et violent, qui peut devenir très rapidement pathologique, voire dangereux, avec des discours délirants et paranoïaques.

Ces situations, particulièrement douloureuses et traumatiques pour le parent « rejeté » et pour toute sa famille, sont reconnues par tous les professionnels de l’enfance, comme extrêmement dangereuses pour l’enfant, qui va devoir construire sa personnalité d’adulte dans l’illusion, le déni et le mensonge, privé de son parent, auparavant aimé et toujours aimant. Instrumentalisé dans cette guerre de la rupture, il devient un enfant-soldat, à qui il incombe de détruire l’image du parent qu’il doit rejeter pour conserver l’amour du parent qui le maintient sous son emprise.

L’histoire de ces femmes et de ces enfants se répète dans des centaines de milliers de familles. C’est aussi celle d’un nombre encore plus important de pères. En France, les commissariats et les gendarmeries enregistrent chaque année près de 30.000 plaintes pour non-représentation d’enfants, qui mettent en cause environ 10.000 hommes et 20.000 femmes. Mais combien de parents ne portent pas plainte, soit par peur, soit par découragement face un parcours juridique exténuant dans lequel « les affaires de familles » sont généralement fois classées sans suite, ou renvoyées vers d’interminables et dispendieuses médiations ? Si l’on applique à la délinquance parentale, le calcul utilisé en matière de violence familiale, selon lequel à peine une victime sur dix aura le courage de déposer une plainte, c’est un demi-million de parents qui seraient privés de leurs enfants.

Faute de pouvoir résoudre des problèmes où le poids du facteur humain individuel dépasse celui du droit public, la justice ne prend plus aucune décision en cas de conflits, et renvoie les protagonistes vers un nombre croissant d’intervenants qui participent d’un nouveau champ économique en expansion, celui du marché du divorce : enquêtes sociales, examens médico-psychiatriques, médiations pénales, actions éducatives, suivis psychologiques… En dernier recours, les tribunaux mettent à disposition des parents rejetés des « points rencontre », où quelques heures de présence forcée une ou deux fois par mois, doivent répondre symboliquement aux exigences des conventions internationales sur le droit de l’enfant et le droit de la famille.

A l’heure où le devoir de responsabilité parentale est rappelé par les toutes institutions engagées dans la protection de l’enfance et la lutte contre la délinquance, nous devons nous interroger sur le modèle éducatif que le parent ravisseur, qui s’inscrit généralement sur le plan juridique dans un cadre que l’on pourrait qualifier de délinquance parentale récidiviste en matière de droit de la famille, va donner à son enfant, du fait qu’il est conforté dans sa toute-puissance par une impunité juridique quasi-totale.

Au problème du danger psychologique dans lequel se trouvent les enfants et à l’impunité du parent « ravisseur », s’ajoute celui de la non reconnaissance du statut de victime du parent « rejeté » et de l’insuffisance de sa prise en charge. Les parents abandonnés vivent une détresse profonde, un sentiment d’échec de n’avoir pas pu protéger leur enfant du conflit conjugal.

Mais pour le parent rejeté, il ne s'agit pas seulement d'une question de droits. Sa responsabilité auprès de l’enfant et les devoirs qu’il doit remplir auprès de lui, lui sont confisqués autant que son enfant. Or, l e droit au maintien des relations entre parents et enfants n'est pas seulement un droit civil, mais un droit de l'Homme. Il fait l’objet d’une convention du Conseil de l’Europe dite « Convention sur les relations personnelles concernant les enfants » signée à Strasbourg, le 15 mai 2003 que la France n’a pas encore ratifiée.

Pendant des années, les parents abandonnés qui cherchaient désespérément à renouer les liens avec leurs enfants, se sont entendus répondre qu'avec le temps, tout s'arrange et qu’un jour forcément, la vérité éclate. Mais les faits prouvent que cette théorie est loin d’être toujours vérifiée. Beaucoup d’enfants devenus adultes sont en rupture totale du lien au parent absent et ne reviennent jamais. Des évènements tragiques d’actualité nous l’ont tristement rappelé l’été dernier.

Le paysage social de la France a changé imperceptiblement, sans que le législateur prenne conscience des nouveaux risques qui menacent les personnes les plus vulnérables de notre société, à savoir nos enfants. Selon les statistiques officielles de l’INSE et du Ministère de la Justice, on comptait en 2002, 127.463 divorces pour 280.000 mariages. De plus, le mariage n’est plus le modèle familial unique : le concubinage concerne plus de 2 millions de personnes et le PACS 135.000. En 1999, 1.600.000 enfants vivaient déjà dans des familles recomposées et 2.700.000 dans des familles monoparentales. Les résidences alternées, introduites en 2002, correspondent à 10% des divorces, et concernent entre 20.000 et 25.000 enfants. A ces chiffres s’ajoutent les quelques 400.000 enfants placés dans des foyers ou des familles d’accueil.

A l’heure où le désir d’enfant s’est autonomisé par rapport au mariage, où le modèle familial traditionnel tombe en désuétude, où le projet conjugal se distingue des aspirations parentales, où les discours théoriques des psychiatres sont remis en question, de même que le fonctionnement égotique de la justice, il est temps de s’interroger sur les capacités des institutions et des adultes à protéger nos enfants pour leur permettre d’avoir non seulement leurs deux parents mais également une enfance. A part entière. Heureuse. Avec une fête des Mères et un mois plus tard, une fête des Pères.